Suivre tous les aspects de la vie

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Ce 16 octobre 2019, l’hôpital Sainte Élisabeth à Namur organisait une journée de sensibilisation sur les maladies inflammatoires de l’intestin. L’occasion de faire le point sur la prise en charge des patients avec le personnel soignant et les gastro-entérologues de l’établissement.

Si cette journée rencontre visiblement un franc succès, c’est qu’elle avait été largement annoncée, comme l’indique Marie Forseille, chargée de communication du CHU namurois : « Nous avons déployé différentes actions tant en interne (via l’intranet) qu’en externe. Une affiche a été diffusée au sein des salles d’attente et lieux de passage du site Sainte Élisabeth et nous avons publié une actualité sur notre site web ainsi que sur les réseaux sociaux, à savoir Facebook, LinkedIn et Twitter. »

Pour Catherine Dothée, infirmière adjointe au plateau de gastroentérologie de Sainte Élisabeth, ces journées d’information sont indispensables : « À mon sens, les MICI ne sont pas bien connues du grand public. Or, elles ont un impact sur la vie sociale, familiale, intime… Les personnes qui en sont atteintes doivent se sentir soutenues de manière à pouvoir s’adapter au mieux aux changements qui surviennent dans leur mode de vie. »

Une équipe dévouée

Au niveau thérapeutique, l’hôpital namurois dispose d’une clinique de jour, de six médecins dont deux spécialistes des maladies inflammatoires, et d’une infirmière affectée à une étude menée en son sein par le laboratoire Takeda. Lorsqu’ils viennent pour leur traitement, les patients MICI sont accueillis par les infirmières de la clinique oncologique qui ont toutes les connaissances nécessaires en matière de perfusions, produits biologiques, etc.

Même s’il arrive qu’ils recommandent les patients MICI à d’autres spécialistes (dermatologue, ophtalmologue, rhumatologue…) en cas d’atteinte extra-digestive, ce sont  les gastro-entérologues qui les prennent en charge de A à Z, y compris pour les questions de nutrition.

Un suivi rapproché

Les malades atteints de MICI nécessitent-ils une autre approche que les patients présentant des problèmes gastro-entérologiques non chroniques ? « Oui », nous répond Vida Setakhr, gastro-entérologue, « car ces maladies peuvent être modérées à sévères dès le départ. Elles impliquent – celle de Crohn surtout –  des complications pour lesquelles des prises en charge particulières s’imposent, parfois chirurgicales. Il s’agit ici d’un dérèglement du système immunitaire et du microbiote, influencé par la génétique et par l’environnement. Par le traitement que nous leur administrons, nous cherchons à réguler l’immunité. Malheureusement, ces médicaments ont des effets secondaires. Par conséquent, le suivi est effectivement différent. »

Jeunesse et projets

Par ailleurs, le pic de l’incidence des maladies inflammatoires de l’intestin se situe entre 20 et 30 ans. « Nous avons donc affaire à des patients majoritairement jeunes, qui vont vivre avec cette maladie tout au long de leur existence », précise le docteur Setakhr. Or, comme n’importe qui, ces personnes ont aussi des projets de vie, celui d’être parents par exemple. « La plupart des traitements dont nous disposons actuellement peuvent être poursuivis jusqu’à un certain moment de la grossesse, mais d’autres non. Nous discutons toujours avec les patients en âge de procréer pour connaître leurs aspirations. D’autant que l’on sait maintenant que plus vite on traite la maladie efficacement – c’est-à-dire que l’on parvient à stopper l’inflammation et à cicatriser les muqueuses – mieux c’est pour son évolution. »

Des progrès encourageants

S’il y a une trentaine d’années, seule la cortisone et certains immunosuppresseurs permettaient de traiter les MICI, beaucoup de progrès ont été enregistrés depuis, notamment dans le domaine des médicaments biologiques. Au départ, les anti-TNF agissaient sur l’intestin mais sur d’autres organes également. « Ce qui sort actuellement est beaucoup plus ciblé au niveau intestinal », explique le docteur Setakhr. « Ces traitements sont donc de plus en plus sûrs, mais cela reste des médicaments modifiant l’immunité. Nous devons toujours pratiquer des examens avant de les prescrire afin d’exclure tout foyer infectieux, et vérifier que le patient a bien reçu tous les vaccins qui lui sont nécessaires. »

Une recherche complexe…

« Le schéma des voies d’inflammation des MICI est très complexe », poursuit Vida Setakhr. « Il faut mettre au point des traitements qui permettent de contrôler ces différentes voies. » Pierre Hoang, chef du service de gastro-entérologie de l’hôpital Sainte Élisabeth, intervient : « Certaines molécules qui sortent aujourd’hui ont déjà été utilisées dans d’autres pathologies, la polyarthrite, le psoriasis ou d’autres maladies également liées à des problèmes immunitaires. Nous disposons donc des connaissances et du recul nécessaire pour apprécier leurs effets. Assez curieusement, bien qu’il soit utilisé dans les cas de psoriasis, il peut parfois induire des formes de psoriasis. Je rejoins donc le docteur Setakhr lorsqu’elle parle de la complexité des voies immunologiques. »

… et permanente

Pierre Hoang : « Nous disposons aussi de médicaments expérimentaux dans le cadre d’études auxquelles nous participons avec le professeur Dewit de l’UCL. Ces études se déroulent suivant plusieurs phases : les traitements sont d’abord testés sur des animaux, puis sur des volontaires sains, enfin sur des volontaires malades. » Une procédure valable pour n’importe quelle étude, pas seulement celles portant sur les MICI, précise-t-il.

Un nouveau médicament pour le traitement de la rectocolite est disponible depuis le 1er septembre dernier. « Celui-ci n’est pas basé sur les cytokines ou le recrutement », indique le docteur Hoang, « il agit sur des protéines spécifiques de la cellule. C’est un nouveau mode d’action. Ce traitement sera administré par voie orale, ce qui sera donc moins lourd pour les patients. »

Espoir en vue

Vida Setakhr : « Énormément d’études sont actuellement menées sur le microbiote. Chez les patients atteints d’une maladie inflammatoire, celui-ci est déséquilibré : certaines bactéries manquent, d’autres sont excédentaires. Nous espérons que ces travaux permettront de trouver des médicaments pour rétablir cet équilibre, avec moins d’effets secondaires sur l’immunité. »

Au-delà du traitement

Outre les traitements médicaux, le docteur Vida Setakhr prodigue d’autres conseils à ses patients MICI, d’ordre diététique notamment. « S’ils sont fumeurs et qu’ils ont la maladie de Crohn, je les invite instamment à consulter un tabacologue. Arrêter de fumer est indispensable dans ce cas, car cet arrêt fonctionne comme un immunosuppresseur. »

Le deuxième cerveau

Le mental joue-t-il un rôle important dans le contrôle de la maladie ? Vida Setakhr : « Le stress n’agit pas sur la survenue de la maladie, mais il peut – sans que des études l’aient formellement démontré – influencer les symptômes et l’apparition des crises. L’intestin est en effet très riche en nerfs, on dit même que c’est notre deuxième cerveau. On peut donc penser que le stress a un impact sur les douleurs, les problèmes de transit fonctionnels plutôt qu’inflammatoires. En fonction du caractère du patient, je l’oriente éventuellement vers certaines techniques susceptibles de soulager son anxiété, l’hypnose par exemple. »

Un lien permanent

 « Nous nous voyons régulièrement lors des consultations, mais mes patients ont tous mon numéro de téléphone », dit le docteur Setakhr. « S’ils rencontrent le moindre problème, ils peuvent m’appeler ou m’envoyer un e-mail. Nous restons toujours en communication, quoi qu’il arrive. Je suis tous les aspects de leur vie, pas seulement leur maladie inflammatoire. »